Circoncision et sida

La relation entre la circoncision et la propagation du virus du sida est un champ d'études qui donna lieu a plusieurs programmes de circoncisions[1] de grande ampleur en Afrique Subsaharienne menés par l'Organisation Mondiale de la Santé depuis 2007. L'OMS s'est initialement appuyée sur les résultats de trois études aujourd'hui controversées pour recommander la circoncision comme une stratégie de prévention du VIH. Depuis lors, de nombreuses études supplémentaires ont été menées dont les résultats indiquent aucune protection substantielle contre le VIH[2],[3],[4],[5], voire une augmentation du risque chez certains sujets circoncis de par les modification socio-comportementales induites par la croyance que la circoncision les empêcherait d'être infectés[6],[7].

Schéma de la section d'un VIH.

Selon les trois essais contrôlés randomisés sur lesquels s'est appuyé l'OMS, la circoncision aurait permis de réduire la propagation du sida de 38 % à 66 % lors des rapports vaginaux, pour le partenaire masculin[8]. L'hypothèse de cette réduction des risques d'infections fut avancée dès 1986[9],[10], puis confirmée, par des études éthiquement et méthodologiquement douteuses, au cours des années 2000[11],[12],[13],[14]. Selon ces études, cette protection partielle qu'offre la circoncision face au VIH serait due à la suppression du prépuce, considéré comme la « porte d'entrée du virus chez l'homme », car il constitue une « surface muqueuse riche en cellules immunitaires qui sont la cible du VIH »[15],[16].

Fortes des résultats de ces études réalisées dans des zones où sévit une épidémie généralisée du virus (prévalence supérieure à 3 %) et où sa transmission est essentiellement hétérosexuelle, l’OMS et ONUSIDA ont indiqué, en , que la circoncision médicale est une stratégie additionnelle dans la lutte contre l’épidémie de sida dans des régions similaires[17]. Ces zones étant, à quelques exceptions près, toutes situées en Afrique subsaharienne[18] des programmes de circoncision des hommes, des enfants et des nourrissons comme moyen de réduction des risques y ont été initiés. En , l’OMS affichait l’objectif d’étendre la circoncision à 80 % des hommes et des nouveau-nés de l’est et du sud de l’Afrique[19]. En 2013, l'ONUSIDA et l'OMS faisaient savoir que 3,2 millions d'hommes africains avaient été circoncis dans le cadre de services spécifiques et que 20 millions devraient l'être d'ici 2015[20]. En 2018, près de 19 millions d'hommes africains ont été circoncis afin de prévenir la contamination par le VIH [21].

Hors des zones africaines à haute prévalence, certains pays tels que la Chine ou la République dominicaine ont indiqué vouloir implanter des programmes de promotion de la circoncision[22],[23]. Différentes études d'acceptabilité de la procédure ont été conduites dans ce cadre[24],[25],[26].

L'utilisation de la circoncision comme moyen de réduction des risques dans les pays développés est toutefois sujette à controverse. Si les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies estiment que le personnel médical devrait informer tous les parents de garçons ainsi que tous les adolescents et hommes adultes non circoncis sur les bénéfices médicaux de la circoncision [27],[28] et l’American Academy of Pediatrics indique que la prévention du sida par la circoncision est incluse dans les avantages liés à l'opération (ceux-ci l'emportent sur les risques sans toutefois conduire à la circoncision systématique de tous les nourrissons)[29], à l'inverse le Conseil national du sida français estime que la circoncision est « une modalité discutable de réduction des risques de transmission du VIH » qui n'est « pas applicable dans les pays du Nord »[30]. La méthodologie des trois essais contrôlés randomisés fut par ailleurs l'objet de critiques dans la littérature scientifique, s'agissant tout particulièrement de la méthodologie et de l'éthique[31].

  1. « La circoncision masculine médicalisée et volontaire atteint 10 millions de personnes en Afrique subsaharienne », sur www.unaids.org (consulté le )
  2. Madhur Nayan, Robert J. Hamilton, David N. Juurlink et Peter C. Austin, « Circumcision and Risk of HIV among Males from Ontario, Canada », The Journal of Urology, vol. 207, no 2,‎ , p. 424–430 (ISSN 1527-3792, PMID 34551593, DOI 10.1097/JU.0000000000002234, lire en ligne, consulté le )
  3. Robert Darby et Robert Van Howe, « Not a surgical vaccine: there is no case for boosting infant male circumcision to combat heterosexual transmission of HIV in Australia », Australian and New Zealand Journal of Public Health, vol. 35, no 5,‎ , p. 459–465 (ISSN 1753-6405, PMID 21973253, DOI 10.1111/j.1753-6405.2011.00761.x, lire en ligne, consulté le )
  4. Morten Frisch et Jacob Simonsen, « Non-therapeutic male circumcision in infancy or childhood and risk of human immunodeficiency virus and other sexually transmitted infections: national cohort study in Denmark », European Journal of Epidemiology, vol. 37, no 3,‎ , p. 251–259 (ISSN 1573-7284, PMID 34564796, PMCID 9110485, DOI 10.1007/s10654-021-00809-6, lire en ligne, consulté le )
  5. Deborah A. Gust, Ryan E. Wiegand, Katrina Kretsinger et Stephanie Sansom, « Circumcision status and HIV infection among MSM: reanalysis of a Phase III HIV vaccine clinical trial », AIDS (London, England), vol. 24, no 8,‎ , p. 1135–1143 (ISSN 1473-5571, PMID 20168206, DOI 10.1097/QAD.0b013e328337b8bd, lire en ligne, consulté le )
  6. (en) Racheal Ninsiima, « Uganda: Circumcision Promoting Risky Behaviour - Report » Accès libre, sur allAfrica,
  7. (en) The Standard, « Circumcised men indulge in risky sexual behaviour », sur The Standard (consulté le )
  8. « Male circumcision for prevention of heterosexual acquisition of HIV in men. », Siegfried N, Muller M, Deeks JJ, Volmink J., avril 2009.
  9. V Alcena, « AIDS in Third World countries », PLOS Medicine,‎ (lire en ligne)
  10. V Alcena, « AIDS in Third World countries », New York State Journal of Medicine, vol. 86, no 8,‎ , p. 446 (lire en ligne)
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  12. Fink AJ, « A possible explanation for heterosexual male infection with AIDS », N. Engl. J. Med., vol. 315, no 18,‎ , p. 1167 (PMID 3762636, DOI 10.1056/nejm198610303151818)
  13. Bailey RC, Moses S, Parker CB, et al., « Male circumcision for HIV prevention in young men in Kisumu, Kenya: a randomised controlled trial », Lancet, vol. 369, no 9562,‎ , p. 643–56 (PMID 17321310, DOI 10.1016/S0140-6736(07)60312-2)
  14. Gray RH, Kigozi G, Serwadda D, et al., « Male circumcision for HIV prevention in men in Rakai, Uganda : a randomised trial », Lancet, vol. 369, no 9562,‎ , p. 657–66 (PMID 17321311, DOI 10.1016/S0140-6736(07)60313-4)
  15. Le prépuce, porte d'entrée du virus du sida, La Recherche, février 2012
  16. Transmission du VIH : le rôle du prépuce, Sida Sciences, juin 2011
  17. « Nouvelles données sur la circoncision et la prévention du VIH : conséquences sur les politiques et les programmes » [PDF], consultation technique de l’OMS et de l’ONUSIDA, conclusions 7 : « La circoncision aura les plus grandes retombées potentielles pour la santé publique dans les zones où le VIH est hyperendémique (c’est-à-dire quand la prévalence dans la population générale dépasse 15 %), où le virus se propage principalement par voie hétérosexuelle et où une forte proportion (supérieure à 80 %) des hommes n’est pas circoncise. Les avantages sur la santé publique seront également considérables dans les zones qui connaissent une épidémie généralisée de VIH (c’est-à-dire quand la prévalence dans la population générale est comprise entre 3 % et 15 %), où la transmission du virus est essentiellement hétérosexuelle et où relativement peu d’hommes sont circoncis. »
  18. « HIV estimates with uncertainty bounds 2009 » [xls], ONUSIDA, 2010, carte réalisée à partir des données d'ONUSIDA.
  19. « La circoncision, moyen peu coûteux de prévention du sida », Nouvel Obs,‎ (lire en ligne)
    dépêche Reuters
  20. Rapport ONUSIDA sur l'épidémie mondiale de sida 2013
  21. « La circoncision, moyen peu coûteux de prévention du sida », lemonde.fr,‎ (Comment la circoncision a conquis l’est et le sud de l’Afrique dans la lutte contre le VIH).
  22. (en) « China Report NCPI », UNAIDS, .
  23. (en) « Dominican Republic Report NCPI », UNAIDS, .
  24. (en) « Acceptability of Male Circumcision for the Prevention of HIV/AIDS in the Dominican Republic », PLOS ONE, .
  25. (en) « Factors associated with the acceptability of male circumcision among men in Jamaica », PLOS ONE, .
  26. (en) « Factors influencing Chinese male's willingness to undergo circumcision : a cross-sectional study in Western China », PLOS ONE, .
  27. "Prévention des IST : la circoncision encouragée par le CDC aux États-Unis", Vincent Richeux, Medscape, 04 décembre 2014
  28. "Male circumcision benefits outweigh risks", U.S. CDC says", Reteurs, 02 décembre 2014
  29. (en) « Circumcision policy statement », Pediatrics, vol. 130, no 3,‎ , p. 585–586 (DOI 10.1542/peds.2012-1989)
  30. Le Conseil national du sida français estime que la circoncision est « une modalité discutable de réduction des risques de transmission du VIH » qui souffre d'une « communication confuse », concluant que « la circoncision comme moyen de réduction des risques s’adresse uniquement aux pays à haute prévalence » et qu'elle n'est donc « pas applicable dans les pays du Nord » Rapport sur la circoncision : une modalité discutable de réduction des risques de transmission du VIH, 24 mai 2007

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