Biofilm

Biofilm superficiel intertidal, en grande partie photosynthétique sur vase estuarienne exondée, se formant à marée descendante. C'est une source de nourriture pour de nombreux invertébrés, mais aussi pour certains bécasseaux littoraux[1] qui trouvent là jusqu'à 50 % des ressources énergétiques dont ils ont besoin.
Lorsque le biofilm est indécelable, il forme un voile microbien. Lorsqu'il est suffisamment épais pour être visible à l'œil nu, il forme un tapis microbien (ici un biofilm autotrophe constitué de cyanobactéries).
Cloître de l'abbaye du Thoronet. Les pierres exposées au ruissellement des eaux de pluie montrent des croûtes constituées de biofilms de lichens épilithiques, de cyanobactéries responsables de la biopatine noire, de parasites (virus ou microchampignons) qui attaquent ces bactéries photosynthétiques[2] et d'autres micro-organismes qui s'en nourrissent. Ce biofilm[3] ne doit pas être confondu avec un encroûtement de salissure (sulfin, couche friable d'aspect spongieux et sans cohérence superficielle)[4].
Dans le ravin des Arcs, le niveau maximum des eaux est marqué par la bande beige de calcaire, révélée par abrasion mécanique, et la ceinture verte d'algues. Au-dessus, l'altération microbienne du calcaire forme sur la roche taraudée des croûtes biologiques bleu-gris formées de biofilms abritant une communauté de micro-organismes (bactéries, microalgues) qui se nourrissent en assimilant les minéraux des pierres et l'azote gazeux atmosphérique[5](entraîné dans les eaux de ruissellement) pour synthétiser leurs protéines[6].
Trous laissés par des bulles de méthane ayant éclaté dans le film superficiel sur une vase exondée.
Autre exemple, essentiellement constitué d'algues couvrant une eau stagnante. Ce type de biofilm (en « voile » algal ou bactérien, ou les deux) ne perdure généralement pas (quelques jours à une ou deux semaines) sur l'eau, mais peut perdurer des années sur un sol (sable humide par exemple) ou sur de la vase.
Le biofilm prend ici l'aspect d'une fine « croûte », formée d'algues et bactéries fixant efficacement le sable soumis à érosion sur un turricule de taupinière creusée dans un sable acide, qui malgré les pluies reste en place fixé par la substance mucilagineuse produite par les algues, bactéries. C'est aussi un substrat pour certains lichens mais qui ont ici fortement régressé en raison de la pollution de l'air (zone d'agriculture intensive et proche de quatre papeteries et d'une grande verrerie ; sur le plateau d'Helfaut près de la colonne d'Helfaut dans le Pas-de-Calais, en France).
Les biofilms naturels sont fréquemment constitués de plusieurs espèces de microbes, éventuellement en associations symbiotiques. Ici il s'agit d'un biofilm polymicrobien cultivé sur une surface d'inox, en laboratoire, photographiée en microscopie à épifluorescence après 14 jours, avec coloration au 4,6-diamidino-2-phenylindole (DAPI) (échelle : trait = 20 μm).

Un biofilm est une communauté multicellulaire plus ou moins complexe, souvent symbiotique, de micro-organismes (bactéries, microchampignons, microalgues ou protozoaires), adhérant entre eux et à une surface, et marquée par la sécrétion d'une matrice adhésive et protectrice. Il se forme généralement dans l'eau ou en milieu aqueux[7].

Antoni van Leeuwenhoek est le premier savant à observer en 1683 un biofilm naturel multispécifique, la plaque dentaire. C'est sur la base de l’observation de l’ultrastructure de cette plaque et de communautés microbiennes sessiles dans les torrents de montagne, que le microbiologiste John William (Bill) Costerton propose en 1978[8] la théorie des biofilms[9], et qu'il invente le terme de biofilm en 1987[10].

Le biofilm est une étape normale ou potentielle du cycle de vie de la plupart des bactéries[11], qui affichent alors un comportement coopératif[11] et produisent des phénotypes différenciés conduisant à des fonctions spécifiques, parfois en réaction à un stress.

Sa structure est hétérogène, souvent sous forme de colonie d'une ou plusieurs espèces de bactéries et d'une matrice extracellulaire composée de substances polymères. La définition d'un biofilm peut légèrement varier : certains auteurs choisissent par exemple d'exclure du terme « biofilm » les communautés bactériennes ne produisant pas leur propre matrice extracellulaire.

S'étant jusque-là principalement attachée à étudier les cellules pour elles-mêmes et indépendamment de leur milieu, la microbiologie intègre les récents développements de la notion d'interactions avec le milieu et se tourne maintenant vers les biotopes, et notamment les biofilms, surtout observés comme habitat d'écotone ou comme élément du réseau trophique[12].

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  2. Cette photosynthèse se caractérise par la présence de pigments verts photosynthétiques masqués par des pigments gris noirâtre qui ont un rôle de photoprotection analogue à celui des mélanines épidermiques. En rayant le biofilm avec un couteau, il est parfois possible de démasquer les pigments verts de chlorophylle en les solubilisant, et d'observer cette coloration.
  3. « Avec le temps, le biofilm s’épaissit : si le support est vertical, il finit par se décoller, et un nouveau cycle de colonisation recommence. Si la pente est moindre, des lichens et des mousses peuvent s’ancrer ; le biofilm épaissit, puis bientôt les premières plantes arrivent ! Le biofilm devient alors un sol : d’ailleurs, les cyanobactéries lèguent à ce sol l’azote qu’il contiendra ensuite ! Le biofilm des façades et des falaises est le début d’un sol, condamné à l’échec par la verticalité. Mais ailleurs, sur le plat, les biofilms ont laissé place aux sols qui nous entourent ». Cf Marc-André Selosse, Petites histoires naturelles: Chroniques du vivant, Actes Sud Nature, , p. 32.
  4. S'il s'agissait de dépôts atmosphériques dus à la pollution, la localisation de ces croûtes serait plus continue et ces dépôts seraient partiellement lessivés par les eaux de ruissellement. Cf Philippe Bromblet, Mémento sur les altérations de la pierre, CICRP, (lire en ligne), p. 10
  5. On peut dire que ces micro-organismes vivent d’air et d’eau fraiche.
  6. Le rôle des biofilms dans l'altération joue sur plusieurs niveaux : mécanique (désagrégation rendant la surface rocheuse poudreuse), chimique (catalyse acide). De plus, cette matière organique favorise la rétention d'eau (hydrolyse, dissolution). Cf. (en) A. A. Gorbushina & W. J. Broughton, « Microbiology of the atmosphere-rock interface: how biological interactions and physical stresses modulate a sophisticated microbial ecosystem », Annual Review of Microbiology, vol. 63, no 1,‎ , p. 431-450 (DOI 10.1146/annurev.micro.091208.073349).
  7. (en) Costerton JW, Lewandowski Z, De Beer D, Caldwell D, Korber D, James G, « Minireview: biofilms, the customized microniche » Journal of Bacteriology 1994;176:2137–2142.
  8. (en) Costerton JW, Geesey GG, Cheng KJ, « How bacteria stick », Sci Am., vol. 238, no 1,‎ , p. 86-95.
  9. (en) Hilary Lappin-Scott, Sara Burton & Paul Stoodley, « Revealing a world of biofilms — the pioneering research of Bill Costerton », Nature Reviews Microbiology, vol. 12,‎ , p. 781–787 (DOI 10.1038/nrmicro3343).
  10. (en) J W Costerton, K J Cheng, G G Geesey, T I Ladd, J C Nickel, M Dasgupta, T J Marrie, « Bacterial biofilms in nature and disease », Annu Rev Microbiol, vol. 41,‎ , p. 435-464 (DOI 10.1146/annurev.mi.41.100187.002251).
  11. a et b (en) Bridier A, Le Coq D, Dubois-Brissonnet F, Thomas V, Aymerich S, Briandet R, « The spatial architecture of Bacillus subtilis biofilms deciphered using a surface-associated model and in situ imaging » PLoS One. 2011;6(1):e16177. PMID 21267464
  12. Programme de recherche VASIREMI, soutenu par l'ANR blanc coordonné par l'université de La Rochelle (C. Dupuy) 2006-2010. Trophic web linked to microbial biofilm in intertidal mud flats

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