Cartographie des corridors biologiques

Les cartes de végétation ou phytosociologiques à échelle plus locale aident à mieux resituer une zone dans son contexte écologique.
Le fond géologique apporte des éléments intéressants, dégageant ici des continuités nord-sud, à croiser avec d'autres couches de données.
Une carte d'unités climatiques permet de localiser les grandes zones potentiellement accueillantes pour les espèces ayant des besoins climatiques particuliers. Les cartes de « microclimats » permettent d'affiner cette approche.
La topographie aide à localiser des barrières (montagnes) et des corridors potentiels (cols et vallées), ou des unités telles que le bassin versant.
L'étude affinée du relief, combinée aux données sur l'hydrologie et le climat peut aider à explorer les potentialités d'habitats ou de continuité écologique liés à des caractéristiques de pente, d'altitude, d'ensoleillement, etc.
Cartographier les « taches » et leur degré d'isolement (ici en rouge) : clôture isolant volontairement la réserve naturelle de Maungatautari pour y limiter l'introduction d'espèces invasives.
Les canaux et fleuves aux berges artificialisées sont des corridors pour quelques espèces, mais des barrières écologiques infranchissables pour un grand nombre d'animaux et de propagules végétales.
L’écologie rétrospective s'appuie sur les archives et cartes anciennes pour comprendre l'état des écosystèmes et l'histoire de leur fragmentation, et repérer d'éventuelles « cryptobanques » de graines encore viables (ici secteur de la Forêt de Mormal dans le nord de la France).
Productivité écologique primaire mesurée via l'intensité de la photosynthèse par MODIS/NASA (Moderate-resolution Imaging Spectroradiometer), en image composite pour la période du au . Cette donnée est notamment utile pour situer les réseaux écologiques continentaux et d'éventuels « puits de carbone » (en zone tempérée) et mesurer certains stress climatiques ou hydriques.
Les cartes de sites archéologiques et archéopaléontologiques apportent des données sur la paléoécologie récente, pouvant éclairer les choix concernant le positionnement des corridors.
Les cartes marines offrent des données sur les courants, les fonds, les marées et certains aléas (munitions immergées, zones d'exercices militaires, épaves, phares, « rails » (couloirs de circulation), etc. ou position de zones protégées qui peuvent intéresser l'écologue). Il convient de les compléter avec les zones d'alimentation ou de frayères, herbiers et habitats sous-marins, passages de câbles sous-marins, sites d'extraction, de forage gazier ou pétrolier, anciennes décharges sous-marines, etc.
L'étude du grain et des couleurs des images aériennes ou satellitaires peut apporter des informations sur l'hétérogénéité écopaysagère et sur la nature des habitats.

Après une période où l'on a cherché à cartographier les espèces[1], puis les habitats[1], avec une approche plus écosystèmique et de réseau, on cherche aussi à produire une cartographie des corridors biologiques qui s'attache à répertorier, hiérarchiser et cartographier les corridors biologiques (passés, existants, ou potentiels), c’est-à-dire les lieux ou réseaux de lieux réunissant les conditions de circulation d'une ou plusieurs espèces dans le paysage, et le cas échéant sous la terre et dans les milieux aquatiques (y compris marins[2]).

Ces cartographies sont plus ou moins précises et complexes, ou au contraire volontairement synthétiques et simplificatrices. Elles s'appuient sur des cartes de naturalité, et de fragmentation écologique.

La surexploitation de certains milieux, l'agriculture, certaines zones de séquelles militaires ou de pollution industrielle, et les constructions et infrastructures humaines en général constituent un nombre croissant de barrières écologiques, s'opposant aux déplacements de nombreuses espèces vivantes et à la diffusion ou au mélange normal de leurs gènes. Pour compenser les impacts écologiques de la fragmentation écopaysagère par ces infrastructures, et pour correctement concevoir et suivre les corridors biologiques nécessaires au maintien de la biodiversité, il faut pouvoir les cartographier et si possible les hiérarchiser.

Cartographier un maillage écologique est un travail complexe, qui pose de nombreux problèmes non résolus. Ainsi, à titre d'exemple :

  • une infrastructure qui est une barrière pour une espèce peut être un corridor ou un corridor de substitution pour d’autres espèces (un canal est une barrière pour des sangliers ou les chevreuils qui s'y noient, mais c'est un corridor biologique pour l'anguille.
  • De nombreuses espèces ont des besoins particuliers encore inconnus ou mal compris. Y a-t-il, y avait-il des corridors pour les vers de terre.
  • La plupart des espèces ont des espèces symbiotes ou des espèces dont elles dépendent ou qui dépendent d'elles. Comment prendre en compte les besoins de déplacement de guildes, ou de groupes d'espèces.
  • Que sont les « corridors » permettant le déplacement des populations d’arbres à un pas de temps bien différent du nôtre, par exemple pour s’adapter aux modifications climatiques ?
  • Nombre des éléments qui constituent un corridor sont discrets, voire invisibles (ex « continuum thermohygrométrique » pour les espèces nécessitant un air très sec, ou très humide, continuums de milieux acides, ou oligotrophes).

Les premières cartographies de réseaux de corridors biologiques sont récentes et de conception variées. Leurs échelles vont de celle d’un biome ou d'un continent, voire de plusieurs continents (corridors panaméricain, paneuropéen, parléoarctique nord-occidental ou eurasiatiques par exemple) à une précision de l'ordre du mètre. Par définition, leurs échelles de pertinence devraient être biogéographiques, mais parce qu’elles sont conduites ou financées par des collectivités, ces cartes se superposent ou se limitent trop souvent aux zones de compétences de collectivités territoriales. Parfois on s’intéresse à une espèce (ex : la tortue luth, tel papillon ou chauve-souris..), parfois à un large groupe d’espèces (ex : les oiseaux migrateurs) ou à la totalité des espèces susceptibles de se déplacer dans une zone biogéographique donnée, qu'elles soient migratrices ou sédentaires. Certaines cartes sont théoriques, construites sur la base de modélisations, calées par quelques vérifications de terrain. D'autres au contraire s’appuient essentiellement sur des observations de terrain. La technique et les moyens informatiques, comme la connaissance biologique (génétique notamment) évoluent constamment et rapidement. Pour ces raisons, les modes de représentation sont nombreux. L’écologie du paysage étant une discipline récente, les modes de cartographie ne sont pas encore normalisés et sont souvent expérimentaux.

  1. a et b H. Hazen, Biodiversity Mapping ; International Encyclopedia of Human Geography, 2009, Pages 314-319 (Résumé)
  2. "Les corridors écologiques marins et côtiers", Conseil de l'Europe, 2003. Série rencontre Environnement, no 55, version bilingue, (ISBN 92-871-5194-6),115 p

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