Histoire des Juifs en Argentine

Judaïsme en Argentine
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La Synagogue centrale, connue aussi comme le Temple Liberté, à Buenos Aires
Religion Judaïsme
Pays Drapeau de l'Argentine Argentine
Représentation Association mutuelle israélite argentine (AMIA), Delegación de Asociaciones Israelitas Argentinas (DAIA)
Autre représentation Fundación Tzedaká de Argentina
Langue traditionnelle Hébreu, yiddish, ladino, d'autres langues juives (les plus menacées et certaines maintenant disparues), langues des pays d’origine (russe, polonais, etc.)
Langue liturgique Hébreu
Langue parlée Espagnol, hébreu, yiddish et russe
Population juive 250 000 - 300 000 (2009)
Localité significative Buenos Aires, Rosario, Córdoba, San Miguel de Tucumán
Groupes Ashkénaze, Séfarade, Mizrahim et autres
Groupe majoritaire Ashkénaze
Histoire
31 mars 1492 Décret de l'Alhambra (expulsion des juifs hors d’Espagne)
24 mars 1813 Assemblée générale constituante, abolition de l’Inquisition
1862 Fondation de la Congrégation israélite de Buenos Aires
1885 et 1889 Arrivée en Argentine de 2385 juifs à bord du navire Weser (1re immigration juive de masse)
1890 Fondation de la colonie agricole juive Moisés Ville (province de Santa Fe)
1891 Première immigration juive organisée (par le baron Hirsch)
1894 Fondation de l'AMIA (d’abord sous le nom de Jevrá Kedushá)
27 septembre 1897 Construction de la synagogue Libertad à Buenos Aires
Janvier 1919 Pogrom de la Semaine tragique
Mai 1960 Capture d’Eichmann
1992 et 1994 Attentas terroristes contre resp. l’ambassade d’Israël et contre l’AMIA

Voir aussi

L’histoire des Juifs en Argentine remonte au début du XVIe siècle, lorsqu’à la suite de l’expulsion des juifs d’Espagne, des Séfarades, fuyant la persécution, immigrèrent aux côtés des explorateurs et des colons espagnols pour s'installer dans ce qui est aujourd’hui l’Argentine[1]. Cependant, les lois anti-juives d’Espagne étant en vigueur également dans l’Empire colonial espagnol, ce qui signifie que les juifs n’étaient pas autorisés à y résider légalement, il est possible qu’il se soit agi de marranes, c’est-à-dire de descendants de juifs séfarades qui, quoique convertis au christianisme, étaient restés secrètement fidèles au judaïsme et pratiquaient la religion clandestinement ; la plupart des commerçants portugais de la vice-royauté du Río de la Plata auraient ainsi été juifs. D’autre part, il y avait, surtout après 1810, des juifs parmi la population étrangère de Buenos Aires, par exemple parmi les commerçants anglais et français. Après l’indépendance, il y eut une petite vague d’immigration de juifs venus d’Allemagne. Toutefois, jusqu'en 1880, la communauté juive d’Argentine ne devait pas dépasser la centaine de personnes et résidait essentiellement à Buenos Aires. Restée sporadique jusqu’à cette date, l’immigration juive ne devint massive qu'après qu’un décret du président argentin Julio Argentino Roca, pris dans le cadre de sa politique de peuplement des terres agricoles nouvellement conquises sur les Amérindiens, invita spécifiquement les juifs russes de la Zone de résidence, persécutés dans leur pays d'origine, à immigrer en Argentine. L’arrivée du vapeur Weser en 1889 marqua le début d'une immigration planifiée, organisée et considérable de juifs en Argentine, qui fut coordonnée par le baron Hirsch puis par l’AIU. En 1890, l’État argentin lança son plan d’immigration, lequel prévoyait, entre autres mesures, l’acquittement par l’État argentin des frais de passage, ce qui contribua à faire venir, de 1891 à 1896, plus de 20 000 juifs, principalement en provenance de Russie et de Roumanie, lesquels se sont en grande majorité établis comme agriculteurs dans les colonies agricoles des provinces de Buenos Aires, d’Entre Ríos et de Santa Fe. Une partie des descendants de ces « gauchos juifs » a ensuite préféré se fixer à Buenos Aires pour y rejoindre les nouveaux arrivants juifs et se concentrer dans certains quartiers, notoirement dans l’Once. C'est dans ce quartier qu'ont surgi les premières institutions religieuses et communautaires juives, piliers d’une future communauté juive organisée. Déjà en 1920, environ 150 000 juifs vivaient en Argentine. À partir de 1928, et plus spécialement après qu’Adolf Hitler eut pris le pouvoir, en 1933, des vagues d’immigrants juifs déferlèrent sur l’Argentine en provenance de l’Allemagne nazie et du reste de l’Europe occupée, dont plusieurs milliers de juifs allemands. Malgré certaines restrictions, l’Argentine est le pays latino-américain qui, entre 1933 et 1945, recueille le plus grand nombre de réfugiés juifs : plus de 45 000 juifs européens, dont probablement plus de la moitié illégalement.

Bien que de nombreux Juifs aient quitté l’Argentine depuis lors — d’abord dans les décennies 1970 et 1980, pour échapper à la répression de la junte militaire, puis de 1998 à 2002, pour fuir la crise économique —, à destination notamment d’Israël (quelque 10 000 juifs au total dans les années 2000) et de l’Europe (en particulier l’Espagne) ou de l’Amérique du Nord, le pays reste le foyer de la plus vaste population juive de toute l’Amérique latine[1] et, après les États-Unis et le Canada, de la troisième du continent sud-américain, avec environ 230 000 membres aux alentours de l’année 2014[2], la population juive au sens large se chiffrant cependant à environ 300 000 ; ces effectifs représentent environ 0,5 % de la population argentine totale. Compte tenu de la composition des vagues d’immigration successives, on peut estimer que la population juive actuelle est à 80 % d’origine ashkénaze, Séfarades et Mizrahim étant donc en nette minorité[3]. La majeure partie vit à Buenos Aires, Córdoba, Rosario, San Miguel de Tucumán et dans d’autres grandes villes.

Une certaine hostilité officielle à l’égard des juifs se manifesta dès la fin du XIXe siècle, sous les espèces du soupçon d’inaptitude des juifs à faire corps avec le reste de la société argentine, notamment lorsque des colons agricoles juifs entreprirent de créer leurs premières écoles. Au lendemain de la Révolution russe d'octobre 1917, les théories révolutionnaires, plus particulièrement anarchistes, furent délibérément amalgamées par les classes dirigeantes d’alors aux préjugés traditionnels contre les juifs, soupçonnés en conséquence de fomenter la révolution socialiste ; l’hostilité ainsi fabriquée contre les « Russes » (lire : les juifs d’Europe orientale)[4], sera à l’origine des graves violences (matérielles et physiques) commises en contre les juifs de l’Once, dans le cadre d’une virulente grève générale qu’il est convenu d’appeler la Semaine tragique, violences se soldant par une centaine de morts juives — unique cas de pogrom jamais enregistré sur le continent sud-américain[5]. Pendant la Seconde Guerre mondiale, une attitude discriminatoire de la Direction des migrations ressort sans équivoque de l’examen du solde des immigrants refoulés et admis (seul un sur quatre juifs était admis à immigrer, contre globalement trois sur quatre). Dans l’immédiat après-guerre, avec Santiago Peralta à la Direction de l’immigration, seuls 3 000 réfugiés de guerre, sur un total de 71 421 accueillis (toutes nationalités confondues) jusqu’en 1949, étaient des juifs. Des flambées d’antisémitisme eurent lieu sous le gouvernement de Perón, lors de l’âpre conflit opposant celui-ci avec l’Église en 1953, puis à la suite de l’enlèvement d’Eichmann, et enfin sous la dictature militaire, où les juifs étaient nettement sur-représentés parmi les victimes de la répression illégale. À signaler enfin les attentats sanglants de 1992 contre l’ambassade d’État d’Israël, et celui de 1994 contre l’AMIA.

L’apport de la communauté juive à la vie intellectuelle argentine, passée et présente, apparaît notable, en particulier dans les domaines de la presse, de la radiotélédiffusion (où plusieurs juifs font figure de pionniers), de la culture (théâtre yidiche, littérature), de la recherche et de l’enseignement universitaires (le prix Nobel de médecine César Milstein était juif), etc. La communauté est solidement organisée autour d’un ensemble d’institutions, notamment l’AMIA, la DAIA (Delegación de Asociaciones Israelitas Argentinas), parmi les principales. La synagogue de la CIRA (Congregación Israelita de la República Argentina), sise rue Libertad à Buenos Aires, et par là dénommée synagogue Libertad, est la plus ancienne d’Argentine.

  1. a et b (en) Rebecca Weiner, « The Virtual Jewish History Tour – Argentina » (consulté le )
  2. (es) Congreso Judío Latinoamericano, « Comunidades judías latinoamericanas: Argentina » (consulté le )
  3. (en) Ner LeElef, « World Jewish Population » (consulté le )
  4. (es) Mara List Avner, « La Semana Trágica de Enero 1919 y los judíos: Mitos y realidades », The International Raoul Wallenberg Foundation, (consulté le ).
  5. (en) « Argentina Virtual Jewish History Tour », American-Israeli Cooperative Enterprise (AICE) (consulté le ).

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