Mycorhize

Les filaments mycéliens d'amanite viennent s'agglomérer autour d'un réseau de radicelles pour former un manchon mycélien, appelé manteau fongique. Le manchon de cette ectomycorhize développe vers l'extérieur un réseau constitué d'hyphes, de cordons mycéliens et de rhizomorphes qui explorent le sol jusqu'à plusieurs centimètres de la racine et prélèvent l'eau et les éléments minéraux en accroissant la surface d'échange avec le substrat. La mycorhization modifie la structure de ces racines et la morphologie générale du système racinaire, le champignon provoquant la disparition progressive des poils absorbants et l'hypertrophie des cellules corticales des radicelles.
Rôle évolutif et écologique majeur des mycorhizes dans le processus de biométéorisation.
Diagramme représentant les flux de matière chez les mycorhizes[1].

Une mycorhize (composé du grec ancien : μύκης / múkēs, « champignon » et ῥίζα / rhíza, « racine », terme introduit en 1885 par le botaniste Albert Bernhard Frank) est le résultat de l'association symbiotique, appelée mycorhization, entre des champignons et les racines des plantes. La mycorhize est une composante majeure de l'édaphon et de la rhizosphère.

Dans cette association généralement non spécifique, les spores d'un champignon mycorhizien ou mycorhizogène (du grec myco, rhiza et génos, « engendrer », littéralement qui donne naissance à une mycorhize) sont disséminées par le vent (anémochorie), par la pluie (hydrochorie), ou par les déjections d'animaux (endozoochorie), germent, et donnent les hyphes du mycélium qui colonisent les racines d’une plante. Ces hyphes radiculaires se distinguent des hyphes extraradiculaires[2] qui se développent également à l'extérieur de la racine sur plusieurs centimètres, explorant le sol alentour du système racinaire de la plante hôte. Ce que l'on appelle couramment champignon, que l'on cueille avec son pied et chapeau, n'est que la « fructification » du mycélium, le sporophore, où se déroule la reproduction sexuée. Les hyphes se présentent comme de fins filaments, capables d'explorer un très grand volume de sol (mille mètres de filaments mycéliens pour un mètre de racine).

La relation mycorhizienne est de type symbiotique, même si les deux organismes peuvent très bien vivre et se développer sans cette symbiose. Mais, l'interaction des deux organismes peut jouer un rôle très important dans le mode vie et sur le développement des deux individus, surtout pour la plante. C'est pour elle que cette symbiose améliore le plus le mode de vie (notamment grâce au réseaux d'absorption crée par les mycorhizes). Lors de la symbiose, un déséquilibre dans la relation peut être induit par une faiblesse de l'un des deux partenaires ; l'association pouvant alors glisser le long du continuum mutualisme-parasitisme[3],[4]. Le champignon peut alors aussi contribuer à recycler la nécromasse de son hôte, au profit de leurs deux descendances.

Alors que la surface d'exploration exploitée par la plante n'est multipliée que par 10 par les poils absorbants, actifs seulement en période de germination[5], elle est multipliée par 10 000 grâce aux mycorhizes (filaments d'un diamètre d'un centième de millimètre) qui ont un coût énergétique de mise en place cent fois moindre que les racines[6]. Les poils absorbants restent fonctionnels dans quelques groupes de plantes adultes (moins de 10 %) non mycorhizées qui ont perdu secondairement l'association fongique, plus de 90 % étant colonisées par ces hyphes du champignon symbiote qui assurent l'essentiel de l'absorption d'eau et des nutriments, et multiplient par dix la croissance de la plante[7]. Les estimations suggèrent qu'il y a près de 50 000 espèces fongiques qui forment des associations mycorhiziennes avec 250 000 espèces végétales, 80 % de ces associations correspondant à des endomycorhizes arbusculaires[8]. Il semble que les plantes non mycorhizées de milieux pionniers (absence de champignons), humides et/ou riches, dans lesquels l'approvisionnement hydrominéral ne nécessite pas de mycorhize, « aient eu besoin de compenser l'absence de l'auxiliaire fongique en développant des structures racinaires qui imitent les filaments mycéliens et leur grande efficacité pour coloniser un grand volume de sol[9] ».

Les recherches actuelles montrent une association plus large au niveau des mycorhizes, avec le concept de microbiome mycorhizien, appelé rhizomicrobiome, qui fait également intervenir des bactéries[10],[11].

  1. Légende : A=cortex racinaire, B=épiderme racinaire, C=arbuscle, D=vésicule, E=hyphe, F=poil absorbant, G=noyaux cellulaires.
  2. Dits aussi hyphes extramatriciels.
  3. Margaret L. Ronsheim, The Effect of Mycorrhizae on Plant Growth and Reproduction Varies with Soil Phosphorus and Developmental Stage ; The American Midland Naturalist (édité par la "University of Notre Dame") 167(1) ; pages 28 à 39. Jan 2012 doi:https://dx.doi.org/10.1674/0003-0031-167.1.28 (Résumé)
  4. Certains champignons mycorhiziens deviennent parasites quand leur coût en carbone surpasse leur apport hydro-minéral. Cf (en) Melanie D. Jones, Sally E. Smith, « Exploring functional definitions of mycorrhizas: Are mycorrhizas always mutualisms? », Canadian Journal of Botany, vol. 82, no 8,‎ , p. 1089-1109 (DOI 10.1139/b04-110).
  5. Les enseignements s'appuient souvent sur des observations de plantes en germination, ce qui masque le fait que la plupart des poils absorbants des plantes adultes ne sont pas fonctionnels. Cette vision a longtemps prévalu chez les chercheurs en biologie végétale qui ont utilisé comme modèle expérimental des espèces exceptionnellement non mycorhiziennes, comme l'arabette (Arabidopsis thaliana, de la famille du chou).
  6. Comme un hyphe de champignon a un rayon dix fois plus petit qu'un poil racinaire, son rapport surface/volume est cent fois plus grand, d'où le rapport 1 000/10. « Dans une prairie, chaque mètre de racine correspond à 10 kilomètres d'hyphes. Chaque cm3 de sol contient entre 100 et 1 000 m d'hyphes, dont la surface est, par procuration, le contact indirect entre la plante et le sol. Sous 1 m2 de sol, la surface des hyphes représente environ 100 m2 ». Cf Marc-André Selosse, Jamais seul. Ces microbes qui construisent les plantes, les animaux et les civilisations, Actes Sud Nature, , p. 58.
  7. Marc-André Selosse, Jamais seul. Ces microbes qui construisent les plantes, les animaux et les civilisations, Éditions Actes Sud, , p. 171
  8. (en) van der Heijden MG1, Martin FM, Selosse MA, Sanders IR, « Mycorrhizal ecology and evolution: the past, the present, and the future », New Phytol, vol. 205, no 4,‎ , p. 1406-1423 (DOI 10.1111/nph.13288).
  9. Jean Garbaye, La symbiose mycorhizienne, Editions Quae, , p. 121.
  10. (en) Jacqueline M. Chaparro, Dayakar V. Badri, Matthew G. Bakker, Akifumi Sugiyama, Daniel K. Manter, Jorge M. Vivanco, « Root Exudation of Phytochemicals in Arabidopsis Follows Specific Patterns That Are Developmentally Programmed and Correlate with Soil Microbial Functions », PLOS ONE, vol. 8, no 2,‎ (DOI 10.1371/journal.pone.0055731).
  11. (en) Alessandro Desirò, Alessandra Salvioli, Eddy L Ngonkeu, Stephen J Mondo, Sara Epis, Antonella Faccio, Andres Kaech, Teresa E Pawlowska & Paola Bonfante, « Detection of a novel intracellular microbiome hosted in arbuscular mycorrhizal fungi », The ISME Journal, vol. 8,‎ , p. 257–270 (DOI 10.1038/ismej.2013.151).

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