Parti unique

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Un parti unique est un parti politique ayant, généralement sur le plan légal voire constitutionnel, le monopole de l'activité politique au sein d'un État. Par principe, les régimes à parti unique s'opposent à ceux adoptant le multipartisme. Le monopole de la vie politique aboutissant par définition à la concentration du pouvoir dans les mains des seuls cadres du parti et à l'exclusion de l'opposition, ces régimes sont généralement classés comme dictatoriaux, voire totalitaires. La plupart des théoriciens du totalitarisme considèrent le système de parti unique comme la variable principale de tout dispositif totalitaire[1]. Dans certains cas, le parti unique peut être amené à constituer au sein de l'État une autorité se superposant à celle du gouvernement, voire à se confondre avec le gouvernement ou à se substituer à lui. Le système de parti unique peut alors être considéré comme un système de « parti-État »[2].

Le terme de parti unique peut par ailleurs être employé pour désigner la situation d'États dans lesquels un parti politique spécifique se voit assigner, par la loi ou la constitution, un rôle dirigeant, tout en tolérant l'existence d'autres partis, qui lui sont généralement subordonnés. Un tel système repose alors sur l'existence d'une coalition unique (ou front unique) au pouvoir, les autres partis existants étant des partis d'appoint du parti dominant, de facto ou via l'existence d'un système officiel de coalition. Le terme de parti unique peut ainsi être employé pour désigner des États comme la République démocratique allemande[3], la république populaire de Bulgarie[4], la république populaire de Pologne[5] ou, actuellement, la république populaire de Chine[6], la Syrie[7] et la Corée du Nord[8], qui fonctionnaient ou fonctionnent selon un système de front unique, tout en désignant officiellement le principal parti de la coalition comme assumant un rôle dirigeant. Au XXe siècle, les régimes communistes ont fait usage du système de parti ou de coalition unique, se conformant ainsi aux idées de Lénine, théoricien du rôle dirigeant du parti en tant qu'« avant-garde du prolétariat »[9]. En 1921, le Xe congrès des bolcheviks adopte une résolution de Lénine, qui érige le rôle dirigeant du parti au rang de composante de la doctrine marxiste[10]. Le parti unique a été, à travers le monde, une caractéristique aux États communistes : parmi ceux-ci, les « démocraties populaires » européennes, composant le bloc de l'Est, étaient réparties entre États à parti unique officiel, et États à coalition unique.

Les régimes politiques à parti unique ont été particulièrement répandus en Afrique subsaharienne dans les décennies ayant suivi la décolonisation, beaucoup des jeunes États africains ayant considéré ce système comme une « formule miracle » permettant de garantir la cohésion nationale et de donner une image de peuple uni et solidaire. Dans la pratique, ces systèmes ont la plupart du temps abouti, sur le continent africain, à étouffer les divergences d'opinion[11].

L'existence d'un parti unique ou d'une coalition unique n'est pas une condition nécessaire pour qu'un régime politique puisse être jugé dictatorial ou totalitaire. Haïti, sous les présidences de François Duvalier et de son fils Jean-Claude, était considéré comme une dictature, mais n'a jamais vécu sous un régime de parti unique : le pays a connu successivement une période sans aucun parti politique, puis un système de multipartisme toléré par le pouvoir[12].

Inversement, un régime à parti unique n'exclut pas le débat politique, comme le montrent le Printemps de Prague de 1968 et l'ouverture du rideau de fer en 1989 : les débats ont lieu à l'intérieur même du parti. Les citoyens souhaitant s'engager en politique choisissent non pas un parti, mais un courant à l'intérieur du parti unique. Ce processus a conduit à la fin des régimes communistes en Europe. Le parti communiste hongrois a vu en 1988 le courant réformiste prendre le pas sur le courant conservateur[13],[14], aboutissant à l'ouverture du rideau de fer en 1989[15], puis à la chute du Mur de Berlin.

Le terme de parti unique est parfois employé, de manière figurative, pour qualifier des situations où la vie politique d'un État est presque totalement dominée, dans les faits, par un parti donné, comme le Mexique où le Parti révolutionnaire institutionnel a longtemps exercé un quasi-monopole[16], ou le Cambodge où le Sangkum Reastr Niyum faussait le jeu démocratique à son profit pour s'assurer l'exclusivité du pouvoir au point d'être qualifié de « parti unique camouflé »[17],[18]. Ce type de situation ne s'accompagne cependant pas d'une limitation légale ou constitutionnelle de l'activité des autres partis politiques et ne constitue pas, au sens propre, un système de parti unique légal ou de fait.

  1. Jean-Yves Dormagen, Daniel Mouchard, Introduction à la sociologie politique, De Boeck Université, 2009, p. 64
  2. Jean Gicquel, Droit constitutionnel et institutions politiques, Montchrestien, 1995, p. 146
  3. Jean-Paul Cahn, Ulrich Pfeil (dir), Allemagne 1974-1990: De l'Ostpolitik a l'unification, Presses Universitaires du Septentrion, 2009, p. 85
  4. Marc Dusautoy, Intégration européenne et emploi: le cas des pays semi-périphériques de l'Europe, Presses universitaires de la Sorbonne Nouvelle, 2000, p. 205
  5. Leszek Kuk, La Pologne: du postcommunisme à l'anticommunisme, éditions L'Harmattan, 2003, p. 191
  6. Philippe Delalande, La Chine à l'horizon 2020, L'Harmattan, 2006, p. 47
  7. John F. Devlin, Syria: modern state in an ancient land, Taylor & Francis, 1982, p. 6
  8. CORÉE DU NORD - Une réunion exceptionnelle va avoir lieu pour la succession de Kim Jong-Il, Le Point, 21 septembre 2010
  9. André Piettre, Marx et marxisme, Presses universitaires de France, 1966, p. 109-110
  10. Nicolas Werth, Histoire de l'Union soviétique, Presses universitaires de France, 2004, p. 181
  11. Mamadou Kalidou Ba, Le roman africain francophone post-colonial : Radioscopie de la dictature à travers une narration hybride, L'Harmattan, 2009, p. 49
  12. Sauveur Pierre Etienne, François Houtart, Haïti: misère de la démocratie, L'Harmattan, 1999, p. 111
  13. Au sein même de l’appareil d’État hongrois, les critiques se développent à l’égard du vieux chef (…) 22 mai 1988 : Éviction de Janos Kadar du bureau politique du Parti.
  14. Le 24 novembre 1988 survient un événement important : Miklós Németh, 40 ans, est nommé au poste de Premier ministre à la place de Károly Grósz (…) Németh se rend le 3 mars à Moscou et y rencontre Mikhaïl Gorbatchev. Le chef du gouvernement hongrois parle de l’introduction du multipartisme, de la situation économique du pays, du retrait des troupes soviétiques… https://www.courrierinternational.com/article/2009/07/02/comment-le-rideau-de-fer-est-tombe-en-lambeaux
  15. Marc Epstein, « Et, en Hongrie, le Rideau de fer s'est déchiré… », L'Express,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  16. Christian Rudel, Le Mexique, Karthala, 1997, p. 109
  17. Simone Lacouture, Cambodge, Rencontre, 1963, p. 145
  18. Marie-Alexandrine Martin, Cambodia: a shattered society, University of California Press, 1994, p. 63

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