Protochronisme

Copie de la première planche du Livre de Vélès, un ouvrage pseudo-historique slave.

Le protochronisme (du grec ancien : πρώτος « prõtos », « premier » + χρόνος « chronos », « temps », en traduction « le premier temps, l’ancien temps ») est une tendance moderne du nationalisme culturel qui consiste à postuler, pour chaque peuple, des racines remontant à l'Antiquité ou à la Préhistoire et un développement propre, séparé des peuples voisins, dont les influences sont minimisées voire niées. C’est un courant pseudo-historique très répandu en Asie et dans les pays anciennement communistes, dont les dictatures ont promu ce courant (qui les précède, mais sans avoir été aussi influent auparavant).

Il vise également à « démontrer » que les ancêtres réels ou revendiqués des habitants de ces pays (Slaves anciens, Illyriens, Proto-Bulgares, Macédoniens antiques, Daces, Proto-Turcs, Homo erectus de Chine ou hommes du pré-Jomon au Japon), non seulement seraient les ancêtres directs et exclusifs des populations actuelles, mais qu'ils existaient avant tous les autres peuples de l’Antiquité (y compris, en Europe, avant les Grecs anciens et les Romains), qu'ils remonteraient directement selon les pays aux anciens Indo-Européens (voire, selon les versions, aux « Aryens » ou à Noé) ou aux populations préhistoriques, et enfin qu'ils auraient disposé de civilisations bien plus élaborées que celles reconnues par les historiens.

Le protochronisme décrit les États multiculturels et pluri-ethniques du passé (comme, en Europe du Sud-Est : l’Empire byzantin, la Hongrie médiévale, les principautés danubiennes, la Dobrogée ou le royaume bulgaro-valaque) comme des pays mono-ethniques ou même des nations au sens moderne du terme (respectivement grecque, magyare, roumaine ou bulgare) : chaque pays s’approprie le passé en y projetant son identité actuelle[1].

Des professeurs comme Jean Ravenstein de l’université d'Aix-Marseille définissent le protochronisme comme une « rétroprojection nationaliste ». Il est particulièrement développé (au point que ses thèses sont présentes dans les livres scolaires) en ex-Yougoslavie, Albanie, Bulgarie, Macédoine du Nord, Roumanie, Russie, Turquie, Irak, Iran, Chine, Japon ou encore en Inde (entre autres).

  1. Voir aussi Jean-Simon Legascon : L'Europe face au défi nationaliste dans les Balkans in : Guerres mondiales et conflits contemporains no 217, janvier 2005, Presses universitaires de France.

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