Suspense

Le suspense, ou suspens[1], est généralement considéré comme une émotion esthétique associée à une mise en intrigue dans laquelle le public (lecteur, spectateur, auditeur, etc.) est encouragé à anticiper le développement ultérieur d'une action incertaine :

« Le suspense est créé lorsque le développement, l’issue ou les conséquences d’un événement demeurent incertains, mais néanmoins partiellement prévisibles. L’interprète est alors encouragé à produire un pronostic sur le développement ultérieur de la séquence événementielle. La réticence textuelle se manifeste dans ce cas par un respect au moins partiel de la chronologie des événements, ce qui a pour effet de retarder l’exposition d’informations concernant un futur que le lecteur souhaiterait connaître d’emblée[2]. »

Photogramme du film Suspense (1919).

Pour accentuer un tel effet, certains récits recourent à une interruption stratégique de la narration à la fin d'un chapitre ou d'un épisode, ce qui produit un cliffhanger[3].

Une autre façon d'orienter l'attention du public vers le futur développement d'une action consiste à mentionner un événement futur de manière ambiguë, ce qui lie cet effet à ce que Genette définit comme une prolepse. Au cinéma, Hitchcock distingue le suspense de la surprise en insistant en particulier sur sa durée, il souligne qu'un procédé classique pour créer cet effet consiste à informer le public d'un danger qui menace le protagoniste, sans que ce dernier en ait conscience.

« Nous sommes en train de parler, il y a peut-être une bombe sous cette table et notre conversation est très ordinaire, il ne se passe rien de spécial, et tout d’un coup: boum, explosion. Le public est surpris, mais, avant qu’il ne l’ait été, on lui a montré une scène absolument ordinaire, dénuée d’intérêt. Maintenant, examinons le suspense. La bombe est sous la table et le public le sait, probablement parce qu’il a vu l’anarchiste la déposer. Le public sait que la bombe explosera à une heure et il sait qu’il est une heure moins le quart — il y a une horloge dans le décor — ; la même conversation anodine devient tout à coup très intéressante parce que le public participe à la scène. Il a envie de dire aux personnages qui sont sur l’écran : « Vous ne devriez pas raconter des choses si banales, il y a une bombe sous la table, et elle va bientôt exploser[4]. »

Bien que l'on associe généralement le suspense à un récit fictionnel, il arrive que l'on utilise ce terme pour se référer à une anxiété que l'on peut éprouver face au développement d'un événement réel dont l'issue reste incertaine. Ce genre de terme se rencontre notamment dans le discours journalistique quand les informations se réfèrent au développement d'un feuilleton médiatique[5].

  1. Sentiment d'attente plus ou moins angoissée; moment d'un récit, d'une œuvre dramatique ou romanesque qui la suscite. Synon. suspense (v. suspense2A). Complète obscurité sur la scène. Le bruit de la voiture se rapproche peu à peu. Il tonne tout près de la porte. Court suspens (Claudel, Violaine, 1901, IV, p. 626).
  2. Raphaël Baroni, Les rouages de l'intrigue : les outils de la narratologie postclassique pour l'analyse des textes littéraires, Genève, Slatkine, , 216 p. (ISBN 978-2-05-102808-0), p. 75
  3. « Le cliffhanger: un révélateur des fonctions du récit mimétique », sur Les Cahiers de narratologie, (consulté le )
  4. François Truffaut, Le cinéma selon Hitchcock, Paris, Seghers, , p. 81
  5. « Un feuilleton médiatique forme-t-il un récit? », sur Belphégor, (consulté le )

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